Le syndrome du bébé secoué (SBS)
En
France, le syndrome du bébé secoué est encore
mal connu des médecins et du grand public, alors qu'aux
Etats-Unis, au Canada et en Belgique, des campagnes de
sensibilisation existent de longue date. Depuis quelques années
à peine, quelques articles Français sont publiés
dans les revues spécialisées ou dans les médias.
Dès 1946, John Caffey commence à publier des articles différenciant les enfants qui ont été secoués des enfants battus (syndrome de Silvermann). Il rapporte des cas d'enfants maltraités présentant des fractures des os longs associées à des hémorragies intracrâniennes, sans signes extérieurs de maltraitance. En 1972, il explique que ces symptômes sont consécutifs à un secouement violent des bébés et les regroupe sous le terme de "Shaken Baby Syndrome".
Ce syndrome touche principalement les nouveaux-nés, âgés de quelques mois.
Le SBS est considéré comme une forme grave de maltraitance, conduisant à des séquelles très sévères.
Le mode de maltraitance SBS
Dans la plupart des cas, le bébé est secoué afin de le faire taire, le maltraitant étant excédé par ses pleurs.
Le bébé, tenu par le thorax, les bras, les jambes ou les épaules, est violemment secoué d'avant en arrière.
La durée du secouement est habituellement de 5 à 20 secondes. On a estimé, par reconstitution, que le nombre des secousses pouvait varier entre 2 et 4 par secondes. Pendant le secouement, la tête tourne violemment créant des contraintes multiples à l'intérieur du crâne.
Le nourrisson sarrête de pleurer et de respirer, provoquant une baisse de lapport doxygène dans tout le corps et particulièrement dans le cerveau.
Les conséquences
Le SBS engendre des lésions pouvant affecter à la fois le cerveau, les yeux et les os.
Quand le nourrisson
est secoué, les veines fragiles entre le crâne et le
cerveau sont rompues et commencent à saigner. Tandis que le
sang s'épanche entre le crâne et la dure-mère (un
membrane dure et fibreuse qui entoure le cerveau) des hématomes
sous-duraux se forment.
L'atteinte oculaire est un signe très
important chez un nourrisson ayant été secoué.
Le SBS conduit dans 80 à 90% des cas à des hémorragies
rétiniennes.
Quelquefois, lors du secouement, la tête
peut heurter une surface dure (le syndrome est alors dénommé
"Shaken Impact Syndrome"), ce choc pouvant conduire à
une fracture du crâne dans la région pariétale ou
occipitale.
Lorsque le bébé est tenu par le
thorax, le secouement peut conduire à des fractures des arc
postérieurs des côtes. On peut également observer
des fractures des os longs qui seraient dues, selon les auteurs, soit
au violent balancement des bras et des jambes, soit à la
torsion des membres par lequel le bébé est saisi
pendant le secouement.
Les réactions du bébé secoué
Paradoxalement, ce type de maltraitance se trouve conforté par le fait que le bébé secoué cesse de pleurer à cause des lésions infligées par les secousses. Le responsable peut associer ce calme à une réponse positive de l'enfant à son comportement, ce qui lincitera à loccasion à renouveler ce geste.
Ainsi cette maltraitance aura un résultat positif pour le responsable qui veut arrêter les pleurs. Le nourrisson calmé, somnolent, adoptant le comportement souhaité et ne manifestant pas de symptômes particuliers après la première séance de secousses, amène le maltraitant à conclure que secouer est une attitude efficace face à un bébé en pleurs ou irrité.
Les signes d'alerte, cités dans les articles spécialisés, peuvent être très divers : difficulté à tourner la tête, tendance à orienter son corps à droite ou à gauche, taches de sang dans les yeux, difficultés respiratoires, pupilles dilatées, insensibilité à la lumière, convulsions, comportement léthargique, vomissements, diarrhées, irritabilité, manque d'appétit, anorexie...
En l'absence d'examen approfondi, le diagnostic peut donner lieu à des méprises et faire croire à une méningite, une anémie, une grippe...
Une étude américaine démontre que tous les cas mortels ont révélé l'existence de chocs sévères à la tête. Dans plus de la moitié des cas, ces chocs n'ont été décelés qu'après autopsie.
Une autre étude américaine montre qu'au moins un tiers des médecins ne détectent pas les hémorragies du cerveau, ni les fractures du crâne qui menacent la vie même de l'enfant.
D'autres études confirment que le malaise grave, qui amène à faire des examens complémentaires et à porter le diagnostic d'enfant secoué, a parfois été précédé dans les semaines antérieures par des malaises qui peuvent avoir été vu par des médecins et pour lequel le diagnostic n'a pu être porté du fait de la discrétion des signes .
Plusieurs articles américains recommandent aux personnes en charge d'un bébé souffrant, si les symptômes persistent et que les visites au médecin ne donnent aucun résultat, de se montrer plus obstinées en demandant que le bébé soit soumis à des examens plus approfondis en vue de confirmer ou d'infirmer ce syndrome.
Le diagnostic
Du fait de l'absence de signes extérieurs de violence sur le bébé secoué, le syndrome est resté longtemps méconnu et l'établissement d'un diagnostic précis est resté longtemps difficile pour les professionnels.
L'enfant victime du syndrome du bébé secoué se présente lors de son arrivée aux urgences avec des convulsions, un état de conscience altéré, une fontanelle bombée et des troubles respiratoires. L'enfant secoué en est généralement aux convulsions ou au coma, il ne tête plus, n'avale pas, est incapable de suivre des yeux, ne sourit plus et ne vocalise pas. L'état de coma peut ne pas être repéré par les personnes en charge du bébé ni même par les responsables médicaux qui peuvent croire que l'enfant somnole, qu'il est léthargique.
Les lésions externes sont minimes ou inexistantes. Des marques de doigts peuvent être parfois notées sur la cage thoracique, autour des épaules, par où l'enfant a été saisi.
Pour diagnostiquer le SBS, les médecins recherchent la présence de saignements du cerveau, d'hématomes sous-duraux et d'hémorragies rétiniennes.
La radiographie est nécessaire pour mettre à jour des fractures du crâne, des côtes, des os longs (os des bras et des jambes). Les fractures peuvent être récentes ou plus anciennes.
Hématomes sous-duraux et hémorragies oculaires sont les signes distinctifs suffisants pour conclure que le nourrison a été victime du SBS.
Des études de plus en plus nombreuses indiquent que l'examen des hémorragies rétiniennes par un ophtalmologiste est le diagnostic le plus sûr.
Un enfant est rarement maltraité de manière sévère ou même tué au cours d'un événement unique. Des antécédents sont souvent mis en évidence par des blessures anciennes comme des fractures des côtes, des fractures du crâne, des saignements à l'intérieur du crâne (hémorragies intra-crâniennes), des ecchymoses, ou simplement des modifications du comportement de l'enfant sans cause apparente...
Le pronostic
Différentes études ont montré que le décès touche entre 10 et 30% des cas.
Parmi les survivants, 35 à 60% souffrent de paralysie des membres, de retard mental, d'épilepsie, de troubles de la vision et de l'audition, ainsi que de difficultés de scolarisation et d'insertion sociale, de troubles du comportement.
On estime que 15% s'en sortent sans dommage, mais il n'existe pas d'études sur le long terme démontrant que l'enfant ne souffrira pas, plus tardivement, d'autres troubles.
L'auteur de la maltraitance SBS
Neuf fois sur dix, à l'arrivée du bébé à l'hôpital, on ne sait pas ce qui s'est passé. Le plus souvent, le responsable nie les faits, trop honteux de devoir regarder en face sa propre image. Quand on se trouve face à des hématomes répétitifs, il est difficile de dater avec précision la survenue du syndrome, et donc d'incriminer l'auteur. Dans la plupart des cas, aucune preuve ne peut être retrouvée.
Les maltraitants SBS sont presque toujours les parents ou les personnes en charge du bébé.
On estime que les hommes, souvent âgés d'une vingtaine d'années, habituellement le père ou le beau-père, sont les responsables de la maltraitance dans 65 à 90% des cas.
Selon les études américaines, le maltraitant SBS serait dans l'ordre de fréquence décroissant : le père, le beau-père, une baby-sitter et enfin la mère. La plupart des agresseurs auraient moins de 25 ans.
Le profil psychologique du maltraitant
Les maltraitants SBS secouent leur enfant quand personne d'autre n'est présent. La plupart du temps, seul le maltraitant est au courant de l'origine réelle des blessures et il va minimiser les gestes ayant conduit à l'apparition des lésions. Il sait qu'il ne faut pas secouer un bébé, mais ne connaît pas la nature des lésions induites.
Il est presque systématique dans les cas de maltraitance d'enfants que le responsable propose une histoire décrivant un accident (chute ou choc...) qui, même s'il est vraiment arrivé, ne peut pas expliquer les blessures sévères et parfois fatales de l'enfant. L'histoire qu'il raconte est souvent tronquée, le récit est peu crédible et hors de proportion ou inapproprié avec l'ampleur des traumatismes. Il est courant qu'il en donne différentes versions à différents interlocuteurs.
Parfois, les auteurs du SBS reconnaissent une tendance à l'énervement face à la situation incontrôlable de pleurs incessants d'un bébé qu'ils ne parviennent pas à calmer.
Les adultes auteurs de ces blessures tendent à avoir des réactions violentes et une faible faculté à se contrôler. Ils semblent tomber dans deux catégories : les gens apparemment normaux qui s'exaspèrent et perdent leur contrôle, à la suite de leur épuisement et de leur frustration, leur bébé étant inconsolable, et ceux qui ont déjà eu des réactions violentes face à certaines situations.
Le maltraitant a en général des espérances irréalistes pour son enfant et dévoile fréquemment une inversion des rôles en exprimant qu'il s'attend à ce que le bébé réponde à ses propres désirs. Il montre souvent des attentes inappropriées par rapport à l'âge de l'enfant. L'individu qui secoue violemment le bébé croit souvent que celui-ci pleure délibérément pour défier son autorité. Il a souvent le sentiment de s'occuper d'un bébé difficile.
Parfois le maltraitant, peut mettre l'enfant au lit après un évanouissement, espérant qu'il ira mieux plus tard. L'intervention médicale rapide est alors rendue impossible.
Pour ces adultes maltraitants, les réflexes psychiques à l'uvre dans la parentalité font défaut. La capacité à ressentir la fragilité du bébé est émoussée, voire inexistante. Le bébé n'est pas perçu comme un petit être à protéger mais comme un être tout puissant, quelquefois objet de jalousie, quelquefois totalement persécuteur.
L'environnement du SBS
Selon une étude écossaise, ce sont particulièrement les zones urbaines qui sont touchées, et plus spécifiquement les mois d'automne et d'hiver.
Sur le plan familial, on se trouve la plupart du temps, face à des parents jeunes dont le bébé en question est le premier enfant.
Pour des raisons encore mal connues, les garçons courent davantage de risques d'être secoués que les filles (plus de 60% des victimes sont des garçons).
Lorsquun diagnostic révèle quun enfant a été victime du SBS, la famille, en réponse à cette nouvelle, est littéralement choquée car il lui est très difficile de comprendre la situation. Cette incompréhension est généralement suivi par une forme de déni lié à la difficulté de prendre conscience du fait que son conjoint, son parent proche ou la personne de confiance à qui on avait confié l'enfant, ait pu le secouer. Des sentiments de culpabilité, de chagrin, de désarroi et de colère apparaissent aussi avec le temps.
A ce traumatisme émotionnel sajoute aussi le fait que, le plus souvent, les membres de la famille entendent parler pour la première fois du SBS.
Les points controversés
Certains articles concernant le SBS attirent l'attention des parents sur la fragilité des bébés et sur le fait que des secousses légères peuvent conduire à des lésions de type SBS : "Certains jeux, malheureusement répandus, tels que lancer un enfant en lair ou le faire tourner autour de soi, peuvent générer des lésions semblables à celles rencontrées dans le secouement."
Les articles américains les plus récents indiquent, au contraire, que les secousses doivent intervenir avec une telle force que tout observateur présent constaterait que l'enfant va être sévèrement blessé. Certains auteurs pensent également que les lésions crâniennes, communément diagnostiquées comme SBS, nécessitent qu'un impact survienne.
Certains spécialistes écrivent: "Le SBS ne résulte pas toujours dun acte malveillant! Bon nombre de parents ont en effet des comportements inadéquats. Parfois ils secouent leur bébé pour les faire taire, car ils sont excédés par leurs pleurs. Ils pensent en toute bonne foi que secouer un enfant est moins dangereux que le frapper."
D'autres auteurs indiquent par contre que: "Le SBS est la conséquence d'une agression. Ce n'est pas le résultat d'un jeu prudent, d'une manipulation malhabile ou d'une tentative visant à réanimer un bébé qui a arrêté de respirer."
Certains articles prennent en compte la gravité des lésions induites: "Dans certains cas, il y a confusion entre l'intention de blesser sérieusement l'enfant en le secouant et le désir d'arrêter ses cris. Dans d'autres cas, la force requise pour parvenir à des blessures intracrâniennes et extra-crâniennes est telle qu'elle suggère de la part du responsable, une volonté de blesser sinon de tuer le bébé ou l'enfant."
Un article fait la synthèse de ces différents points de vue en distinguant les diverses circonstances dans lesquelles le SBS conduisant à un traumatisme a pu être observé :
Inconscience : le bébé narrête pas de pleurer, les cris deviennent insupportables, la personne qui en a la charge, à bout de nerf, lattrape et le secoue pensant arrêter les cris.
Réanimation maladroite : le bébé semble faire un malaise, le parent affolé craint la mort subite et dans la panique lempoigne et le secoue violemment pour quil respire et retrouve une coloration normale.
Maltraitance : lenfant est secoué et brutalisé intentionnellement.
Pour certains auteurs : "Le délai entre les blessures et le décès va de quelques heures à plusieurs mois dans quelques cas. Le saignement différé dun hématome sous-dural ancien pourrait provoquer soudainement lévanouissement dun enfant et dans certains cas sa mort."
Pour d'autres : "Tous ces symptômes sont dus au gonflement généralisé du cerveau suite à un traumatisme avec manifestations de symptômes immédiatement après le secouement , et atteignant leur maximum en 4 à 6 heures. Même si un saignement différé se produit, il ne provoque pas de blessure traumatique du cerveau."
Concernant le procès de Louise Woodward suite au décès de Matthew Eappen, affaire largement médiatisée aux Etats-Unis, une cinquantaine de spécialistes américains, canadiens et australiens ont publié une lettre dont un extrait est reproduit ci-dessous:
"Les blessures par SBS provoquent immédiatement des symptômes apparents. Il n'est pas possible qu'un enfant qui souffre de blessures majeures à la tête, ne montre aucun symptôme significatif pendant plusieurs jours, puis sombre dans le coma et décède brutalement. Quelles que que soient les blessures antérieures éventuelles dont a été victime Matthew Eappen, lorsqu'il est arrivé à l'hôpital dans un état extrême, il souffrait de blessures à la tête infligées récemment et n'aurait pas pu avoir un comportement normal après celles-ci. Une telle blessure devait conduire, et a effectivement conduit, à une perte de conscience très rapide sinon immédiate."
Le SBS et la justice
Un article publié par l'association Américaine "The shaken Baby Alliance" livre plusieurs types de recommandations pour rechercher le responsable de la maltraitance, en particulier les suivantes :
Poser les questions clés : définir les différentes dates d'apparition des lésions et déterminer qui a eu accès à l'enfant pendant ces périodes, définir précisément quand les premiers symptômes sont apparus, quand l'enfant a eu l'air normal pour la dernière fois... Les questions doivent être posées immédiatement après l'incident. Des explications inadéquates sont quelquefois acceptées et un interrogatoire inadapté ou trop tardif conduit à la perte définitive des preuves recherchées.
Garder à l'esprit les caractéristiques communes issues de l'expérience : le secouement est rarement un événement isolé (une étude a montré que 58% des bébés avaient été maltraités antérieurement et 33% avaient déjà été secoués), et les récits donnés par les suspects ne sont pas cohérents avec la gravité des lésions constatées, leur récit change au cours du temps.
Prendre connaissance des cas connus et contacter des spécialistes expérimentés dans le domaine du SBS.
La lettre des
spécialistes qui sont intervenus dans le procès de
Louise Woodward indique :
"Le syndrome du bébé
secoué, avec ou sans preuve d'impact, est une pathologie
aujourd'hui bien connue et caractérisée par une
ensemble clinique comprenant des éléments de diagnostic
pratiquement uniques pour ce type de blessure : oedème
cérébral, hémorragies sous-durales et
hémorragies rétiniennes.
Que ceux qui contestent la
spécificité des éléments d'un tel
diagnostic se réfèrent à la littérature
médicale de leurs confères au lieu de spéculer
devant un tribunal. En vérité, un tribunal n'est pas le
lieu pour une spéculation scientifique mais plutôt
l'endroit où devraient être présentées
uniquement des preuves scientifiques dûment étudiées,
acceptée et correctement testées."
Les chiffres
Aux Etats-Unis, chaque année, 1000 à 3000 enfants présentent le diagnostic de SBS et on pense que de nombreux cas ne sont pas comptabilisés du fait de diagnostics inadéquats.
Selon une étude réalisée en Ecosse en 1998 et 1999, il semble qu'environ 11 enfants sur 100 000 subissent une maltraitance du type syndrome du bébé secoué.
En Belgique, on estime que 25 à 50 enfants par an acquièrent un handicap pour la vie, des suites du SBS.
En France, dans des articles récents, les spécialistes évaluent le nombre d'enfants victimes du syndrome du bébé secoué entre 400 à 500 par an.
L'association de soutien de Magali Guillemot